Il s'appelait Théodore Hyppolite Tock. Mais tout le monde l'appelait Frère Toqué. Premièrement parce qu'il était moine, et deuxième car sa condition mentale laissait... à désirer, ou du moins n'était-elle pas entièrement terminée... allez savoir.
Depuis la mort de son seigneur, à qui il tenait énormément, le Frère Toqué était tombé dans une difficile dépression. Son maître bien aimé n'était plus et déjà le terrible glas de son église avait sonné pour annoncer la terrible nouvelle... Pauvre maître... il était si bon et si généreux avec ses pauvres... Non c'était décidé, Frère Tock n'aurait pas d'autre seigneur en ce lieu ; il fallait migrer vers un autre lieu, plus propice à ses prières, plus prompt à découvrir d'autres âmes, fin prêt à sauver d'autres brebis trop éloignées de leur parc.
Ses pas l'emmenèrent devant un somptueux château. Il s'imaginait déjà, non loi d'ici, dans un petit village, dans une petite chapelle, faire la messes à ses ouailles et surtout boire le vin avec eux. C'est que le frère Toqué amait particulièrement la boisson. Le seigneur dans son infime bonté avait offert le blé et nous avait ainsi fait don de... la bière. Chose que le moine n'était pas près d'oublier. Il savait peu lire mais savait par coeur les textes romains qu'il devait lire. Bien sûr, comme tout moine de campagne, il ne savait pas ce qu'il disait, mais l'effet semblait de taille devant les fidèles. Peut être croyaient-il des choses invraisemblables ? Des choses qui n'appartenaient qu'à eux...
Le frère Toqué arriva donc devant les grilles du château de la Baronnie de Courmayeur. Il sortit de son baluchon, un petit cor qu'il fit résonner afin qu'on l'écoutât :
"Ohééé ! Il y a quelqu'un ? Intendant ! Un pauvre moine cherche l'asile en vos terres ! Puis-je voir quelqu'un ?
Il patienta, ses yeux parcourant à très grande vitesse tous les recoins d'où pouvait venir un garde ou l'intendant. Il avait soif et faim. Son ventre proéminent criait famine. La marche à pied l'avait grandement affaibli. Il ne pouvait pas aller plus loin.