La Baronnie de Courmayeur
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.


La Baronnie et ses petites histoires
 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  RechercherRechercher  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

 

 Arrivée à Courmayeur...

Aller en bas 
3 participants
AuteurMessage
Yzalba
Régence des terres
Yzalba


Messages : 31
Date d'inscription : 17/09/2009
Localisation : Chambéry ou Courmayeur

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeSam 19 Sep - 0:51

Yzalba et Rollin étaient arrivés le matin même, après un départ un peu précipité de Chambéry…

Heureusement que Lisyane leur avait fait préparer la maison, qu’ils découvraient maintenant tous deux… Un de leur voisin qui possédait des bœufs et un chariot les avait emmenés jusqu’à Courmayeur et les avait déposés avec les enfants devant la maison ou Algonde les attendait.

Maintenant le voisin était reparti et ils étaient là, un peu perdus dans ce nouveau décor, en train de prendre possession des lieux, et de cette maison qui serait désormais la leur à chacun de leurs séjours à Courmayeur…

Yzalba serrait contre elle la besace qui contenait, outre quelques objets personnels, la lettre de Lisyane la nommant régente de la baronnie de Courmayeur.

Régente… L’angoisse l’étreignait et elle passait son temps à se demander si elle avait bien fait d’accepter cette charge… Mais à chaque fois, une petite voix au fond d’elle-même lui disait que la question ne se posait même pas, qu’il aurait été impensable de laisser tomber Lisyane en pareilles circonstances… Et puis elle n’était pas seule. Rollin était près d’elle pour l’aider et la guider, et ils avaient amenés les enfants avec eux. Valentin, leur fils adoptif, et Colinet, le petit rescapé sauvé de la noyade par Rollin à peine quelques jours plus tôt…

Yzalba prit une grande inspiration et lança à Rollin un regard ou l’amour le disputait à une lueur de défi. Sa fierté slave reprenait le dessus, ce n’était pas encore aujourd’hui qu’elle se laisserait abattre. Lisyane avait confiance en elle, elle ne voulait pas la décevoir.

Valentin dans les bras, elle visita la maison pour découvrir les pièces et décider de leur installation.

Le rez de chaussée était occupé par une jolie pièce de vie qu’agrémentait une grande cheminée dans laquelle un bon feu crépitait déjà, réchauffant de ses flammes joyeuses cette fin de journée fraîche. Cela sentait l’automne…

Derrière ce séjour, elle trouva la cuisine. Petite mais fonctionnelle, Yzalba s’y sentit tout de suite à son aise.

L’étage se composait de deux chambres ouvrant l’une sur la ruelle et l’autre sur le jardinet, ou Bogdana, la chèvre, paissait déjà. Le paysage l’enchanta… Au dessus des toits du village, les montagnes flamboyaient dans le soleil couchant, dans une débauche d’or et de rose…

Elle se tourna vers Rollin qui venait de la rejoindre avec Colinet. Rollin passa son bras gauche autour des épaules de la jeune femme qui serrait son bébé dans ses bras, et le droit autour des frêles épaules de Colinet… Qui les aurait vus, de loin, tous quatre à la fenêtre, aurait trouvé touchant le charmant tableau de cette famille qui pourtant n’en était pas tout à fait une…

Avec un soupir, Yzalba s’arracha à la contemplation du paysage et entreprit d’installer les garçons dans une des chambres, Rollin répartissant leurs bagages dans les pièces…

Un nouvel épisode de leur vie commençait…
Revenir en haut Aller en bas
Rollin

Rollin


Messages : 86
Date d'inscription : 17/09/2009
Age : 599
Localisation : Chambéry, Courmayeur ou Saint-Jeoire

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeMar 22 Sep - 12:16

*Si Rollin avait longtemps erré sur les chemins, c’était la première fois qu’il affrontait la route avec femme et enfants… Le supplice du chariot cahotant sur les chemins empierrés qui serpentaient dans les montagnes, l’inquiétude à chaque grincement inhabituel, comme si les roues et l’essieu criaient leur douleur sous la torture mesquine des sentes parsemées de caillasses traitresses et tranchantes… et pourtant au milieu de tout cela, la force tranquille de la paire de bœufs, garrots courbés sous le joug, avançant d’un pas assuré et régulier, aux ordres d’un aiguillon manié par la main experte d’un des voisins d’Yzalba, avait quelque chose de rassurant… et même les conditions climatiques extrêmement changeantes devenaient plus supportables.*

*Avec femme et enfants... ils cheminaient avec détermination vers Courmayeur et les terres exsangues de Lisyane. Refusant de surcharger inutilement l’attelage, Rollin avait accompli le voyage à la force de ses jambes, appuyé sur son vieux bourdon ferré, devançant les bœufs ou fermant la marche suivant les cas, tous sens en éveil, silencieux mais l’esprit aux aguets, esclavine sur les épaules et chaperon ramené sur les yeux. Le jeune homme avait insisté pour que, outre leurs coffres remplis de leurs effets personnels, ils emportent une partie de sa récolte de blé et deux grands paniers des premières pommes du verger et un tonnelet de viande séchée qui, s’ils ne soulageraient pas la population affamée, leur permettrait sans doute d’assurer le gros de la subsistance de leur petite famille durant leur séjour sans peser outre mesure sur les réserves déjà mises à mal de la baronnie.*

*Ballottés aux grés des secousses du charroi, Yzalba et les enfants s’étaient également enfoncés dans un silence un peu pesant. Valentin malgré son très jeune âge semblait comprendre les conditions difficiles de leur voyage et restait sage comme un ange. Colinet, quant à lui, à califourchon sur un des coffres, la tête haute, menton relevé et mâchoires serrées, semblait contempler le paysage au travers du bandage qui protégeait ses yeux blessés. Le petit garçon n’avait pas dit un mot depuis que son prénom était sorti douloureusement de sa gorge déchirée. Aucun mot, aucun geste de Rollin ne trouvait grâce à ses yeux… et seule Yzalba avait réussi à trouver une faille pour atteindre le cœur de l’enfant. La jeune femme était inquiète pour lui, mais n’en montrait rien, toujours douce et souriante. Elle lui décrivait les paysages grandioses qu’ils traversaient et que Colinet ne pouvait voir, elle lui racontait de petites histoires des terres lointaines qui l’avaient vue naître, elle lui tenait la main quand le silence s’imposait à eux. Rollin les voyait et la souffrance que le comportement de l’enfant provoquait en lui s’apaisait rien qu’en regardant sa bien-aimée… devenue mère un peu malgré elle en quelques jours de temps… mère d’enfants qui, s’ils ne venaient pas de son ventre, avaient conquis son cœur et y laisseraient à jamais leur empreinte… des enfants qu’elle désirait depuis tellement longtemps…*

*Enfin, après un périple qui leur parût interminable, ils arrivèrent en vue de Courmayeur… comme une terre promise, gemme enchâssée dans l’écrin d’une vallée verdoyante, encaissée entre les flancs abruptes des pics qui partaient à l’assaut du ciel, comme autant de crocs avides ou de flèches aiguës de vivantes cathédrales… Les dernières lieues furent un véritable calvaire, et c’est avec un soupir de soulagement qu’ils arrêtèrent leur attelage devant la petite maison que Lisyane avait fait préparer pour eux. La messagère qui était venue leur porter la missive de la baronne de Courmayeur les attendait sur le pas de la porte. Sans perdre de temps, ils débarquèrent. Yzalba entra avec les enfants et Rollin aidé du bouvier de Chambéry déchargèrent les maigres effets qu’ils avaient apportés avec eux. Quelques instants plus tard, ils regardèrent l’attelage reprendre sa route en brinquebalant, agitant la main en guise d’au-revoir et de remerciement. La Perle d’Armavir regarda le paysan… et le gris étrange et pénétrant de ses yeux parlait à son âme, brillant des lueurs de l’amour et d’un éclat inextinguible de fierté farouche.*



*Colinet était assis devant l’âtre, les mains tendues vers les flammes claires pour se réchauffer. Rollin, qui venait de mener Bogdana au jardin, s’arrêta dans l’embrasure de la porte, et regarda silencieusement l’enfant pendant un long moment… Il essayait de comprendre pourquoi il agissait comme cela avec lui, pourquoi il le rejetait… mais aucune réponse ne vint. Il s’avança vers le petit garçon et, sans un mot, il le fit se lever et le mena à l’étage pour rejoindre Yzalba et Valentin. La jeune femme admirait les couleurs merveilleuses qui embrasaient le ciel, créant un brûlant écrin où le soleil voguait vers son coucher. Rollin soupira devant tant de beauté et passa un bras autour des épaules de sa bien-aimée, pour la rassurer et lui manifester son soutien inconditionnel, puis il posa la dextre sur l’épaule de Colinet… l’enfant tourna la tête imperceptiblement vers la main du paysan… et, feignant l’ignorance, il ne la repoussa pas.*

*Yzalba soupira doucement et quitta des yeux le couchant. Appelant les enfants, elle s’occupa des les installer dans une des chambres. Rollin les yeux perdus dans le vague, admira quelques instants encore le rouge et le jaune qui zébraient le ciel… d’or et de gueules… des souvenirs remontèrent des abysses de sa mémoire… des souvenirs de temps heureux, pour une fois… un sourire énigmatique éclaira son visage. Il dévala l’escalier et s’occupa de leurs bagages…*
Revenir en haut Aller en bas
Colinet

Colinet


Messages : 12
Date d'inscription : 23/09/2009
Localisation : Là où mes pieds me mènent

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeMer 23 Sep - 14:47

Le petit garçon, perché sur un des coffres de leur bagage branlant, souffrait le martyr mais n’en laissait rien paraître. Chaque secousse, chaque soubresaut, ravivait la douleur dans son corps. Le moindre choc résonnait en lui comme la cruelle morsure d’une dague aigue et sadique, comme un poignard acéré que l’on aurait enfoncé avec délectation entre ses côtes avant que de le faire tourner pour rendre ses assauts plus douloureux encore. Mais Colinet était fort… fort et fier… il refusait de montrer sa douleur… il était libre de ses mouvements, maître de sa destinée.

Colinet souffrait, mais au fond de son cœur, il était content de son sort. Il accompagnait, contraint et forcé, Yzalba et les siens, mais en fin de compte c’était sans doute la meilleure chose qui lui soit arrivée depuis son départ des Chavonnettes. La jeune femme était douce et attentionnée et sa présence dans le chariot mettait du baume sur son petit cœur déchiré… et même la pluie et le vent, la fatigue et la douleur ne pouvaient le faire changer d’avis.

L’homme aux yeux noirs n’était pas loin, Colinet le sentait. Dans la nuit temporaire où il se trouvait plongé, il savait exactement où Rollin se trouvait, il sentait sa présence, rassurante comme un fanal au cœur de la tourmente. Cet homme étrange… qui depuis leur départ n’avait pas beaucoup parlé, mais dont chacun des mots avait fait mouche. Le petit garçon souriait intérieurement en imaginant Rollin réfléchir tout au long de la route à quelque chose d’intelligent à dire… Mais à cet instant précis, il sentit au creux de sa main les minuscules perles de bois du rosaire que le jeune homme s’évertuait à lui rendre lorsqu’il le perdait, sans un commentaire, ni même un regard… les perles noircies qui tranchaient sur la pâleur de sa paume… et au fond de son cœur, Colinet sentit le remord poindre, et les larmes lui monter aux yeux… Comment pouvait-il penser des choses pareilles à l’encontre de celui qui l’avait sauvé ? Cet homme qu’il torturait sciemment en refusant de communiquer avec lui…

L’enfer des secousses s’arrêta enfin… Ils avaient touché au but, ils avaient atteint le patelin reculé dont Colinet avait déjà oublié le nom. Le petit garçon visita à tâtons la pièce à vivre du rez-de-chaussée et s’arrêta devant l’âtre, profitant de la chaleur réconfortante de la flambée qui y ronronnait. Il avait froid jusque dans ses os et il remercia le ciel que ses bienfaiteurs l’aient vêtu chaudement pour le voyage. A y repenser, il devait sans doute porter plus de tissus sur le dos en cet instant que tous ce qu’il avait pu avoir comme haillons dans sa courte et misérable vie. Colinet sentit une main sur son épaule… une main large et chaude… la main de Rollin assurément. Le garçonnet s’était levé sans un mot et il avait laissé l’homme aux yeux couleur de nuit le guider jusqu’à l’étage. Une chaleur étrange caressa le visage de l’enfant et il pouvait distinguer au travers du pansement sur ses yeux, une lueur orangée, douce et incroyablement agréable. Colinet sentit à nouveau la main de Rollin sur son épaule…

L’enfant ne bougea pas, il laissa faire… et profita de la sensation agréable qu’il ressentait… aujourd’hui, dans le soir naissant, il comptait aux yeux de quelqu’un… il n’était pas seul.
Revenir en haut Aller en bas
Colinet

Colinet


Messages : 12
Date d'inscription : 23/09/2009
Localisation : Là où mes pieds me mènent

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeMer 30 Sep - 13:54

Ce matin-là, Rollin et Yzalba étaient partis à la rencontre des convois qui amenaient des vivres pour tenter d’endiguer la disette qui sévissait depuis plusieurs semaines sur les terres de la baronnie. Les Chambériens avaient laissé les garçons aux bons soins de Marinette, une jeune paysanne qu’Algonde avait cru bon d’occuper et de distraire du malheur qui avait frappé sa famille. La jeune fille était simple et la gentillesse se lisait sur son visage marqué par la faim. Valentin ne manquait de rien et était choyé, dorloté, bercé… cajolé tant et plus.

Colinet, fidèle à lui-même, faisait grise mine, assis sur le seuil de la porte qui ouvrait sur le jardin de la maison de la Régente. Le dos raide, les mains posées sur les cuisses, il semblait regarder au-delà du bandage qui aveuglait ses yeux, comme s’il admirait les taches d’or du soleil d’automne qui scintillaient dans l’herbe et sur les feuilles. Le petit garçon respirait doucement pour éviter que ses côtes fêlées ne le fassent trop souffrir. Marinette se désolait de son comportement et, même si Yzalba l’avait prévenue, elle avait espéré bien naïvement qu’il en aurait été autrement avec elle… quelle candeur…

Colinet n’avait aucune envie de parler à cette fille qui lui rappelait trop l’endroit qu’il avait fuit deux années auparavant. Une vachère qui devait rougir au moindre mot d’un étranger et qui trimbalait avec elle une odeur d’étable et de lait caillé ou de beurre rance. Le petit garçon sentait les parfums de l’automne envahir la vallée, l’humidité qui remontait du sol et le soleil qui, s’il cognait encore, ne réchauffait plus sa peau comme avant. La chèvre d’Yzalba et Rollin lança un bêlement aigre…

L’enfant égrenait le temps dans sa tête… en comptant les fleurs que ses yeux ne pouvaient voir, en imaginant les nuages qui courraient au-dessus de sa tête, là-haut dans le ciel limpide et bleu… bleu comme ses yeux. La douleur qui accablait son corps meurtri s’était atténuée, mais elle restait là, tapie dans l’ombre, sournoise et lancinante. Yzalba lui avait dit qu’il faudrait du temps pour qu’il guérisse, mais le garçonnet perdait patience. Et la fille de ferme qui chantait dans la cuisine pour bercer Valentin l’irritait particulièrement… N’y tenant plus, Colinet se leva et tapa du pied pour en chasser le fourmillement qui l’indisposait. Il avança à pas comptés sur la petite allée pavée qui traversait le jardin. Un… deux… trois pas… et encore un, puis un autre…

Sans s’en rendre compte, Colinet s’était avancé jusqu’au milieu du jardin… Un bruissement de feuille creva le silence et un souffle froid heurta le visage du petit garçon, bourrasque soudaine venue de nulle part, et l’enfant eût un haut-le-cœur… une étrange odeur, lourde et pénétrante assaillait ses narines… Un frisson parcourut son échine et il se mit à claquer des dents sans raison… La bise dévalant des monts soufflait sur la vallée et charriait des relents de pourriture… Colinet connaissait cette odeur, le parfum immonde de la mort, les miasmes pestilentiels de la chair qui se décompose… Et dans le sifflement du vent à ses oreilles, il crut discerner une voix suave, venimeuse et sournoise… une voix qu’il avait déjà entendue :

« … Quand l’agneau ouvrit le troisième sceau, j'entendis le troisième être vivant qui disait: Viens.

Je regardai, et voici, parut un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance dans sa main. Et j'entendis au milieu des quatre êtres vivants une voix qui disait: Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne fais point de mal à l'huile et au vin… »


Colinet se plaqua les mains sur les oreilles et fit demi-tour précipitamment, trébuchant à chaque pas. Il grimpa tant bien que mal l’escalier abrupt qui menait à l’étage et se réfugia dans sa chambre sans que Marinette ait remarqué quoi que ce soit. Désespéré, frénétique, il répétait sans cesse :

Va-t-en… va-t-en…

Plongeant ses mains avides sous son oreiller, ses doigts touchèrent le rosaire de Rollin… et il le serra très fort dans ses petites paumes meurtries.
Revenir en haut Aller en bas
Yzalba
Régence des terres
Yzalba


Messages : 31
Date d'inscription : 17/09/2009
Localisation : Chambéry ou Courmayeur

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeVen 2 Oct - 20:56

Yzalba profita de son passage au dispensaire pour prendre des nouvelles des enfants et de Marinette. Elle entra dans la maison et sourit à la jeune fille qui câlinait Valentin en gazouillant avec lui :

Alors Marinette, tout se passe bien ?


Oui, M'dame, mais le petit, Colinet, y va pas bien, si vous voulez mon avis... Il est sorti dans le jardin tout à l'heure, pis il est rentré en gémissant comme s'il avait vu l'diable en personne ! J'crois qu'y croit que j'lai pas vu, parce que je m'occupais de Valentin, mais... il a grimpé dans la chambre en butant sur les marches, j'pouvais pas le rater... Vous devriez monter le voir...

Yza, inquiète, monta rapidement et entra dans la chambre des garçons. Elle trouva Colinet tremblant de peur, serrant entre ses doigts le rosaire de Rollin, et elle l'entendait murmurer sans arrêt en se balançant d'avant en arrière, en rythme : Va-t-en.... Va-t-en...

Elle s'approcha lentement de l'enfant en parlant très doucement :

Colinet ? Colinet, qu'est-ce qui t'arrive mon trésor ?

En entendant sa voix, le petit garçon se figea soudain. Elle s'assit sur le lit près de lui, et tendit ses bras vers le corps frêle.

A qui parlais-tu ? Qui doit s'en aller ? Hein bonhomme ? Viens là, mon grand... viens, tu ne risques plus rien, je suis là...

Sa voix chantait les mots, et Colinet, pour la première fois depuis son arrivée dans leur vie, vint à elle, avec hésitation d'abord puis comme dans une espèce d'urgence... il se blottit contre elle, et se mit à claquer des dents et à sangloter de façon presque hystérique... Yzalba connaissait bien ces symptômes... les nerfs qui lachent après un grand choc... c'était impressionnant mais tout à fait salutaire aussi se contenta-t-elle de serrer Colinet dans ses bras, le berçant, lui caressant les cheveux de la main, en murmurant des mots apaisants :

Mon tout petit... tu es en sécurité... là... tout doux mon trésor... je suis là...

Petit à petit, l'enfant se calma, bercé par la musique des mots de la jeune femme...
Au bout de quelques minutes, elle le sentit se détendre, sa respiration s'apaisa et son bras tomba à son côté. Il s'était endormi...

Attendrie, Yzalba le coucha et le borda dans son lit. Au moment où, dans un sourire, elle posait un baiser sur les mèches rebelles qui ornaient son front, Colinet attrapa sa main et elle l'entendit murmurer dans son sommeil :
Maman... reste, Maman... ne me laisse pas... s'il te plaît...

Yzalba avait beau savoir que ce n'était pas à elle que s'adressaient ses mots, c'est elle qui les reçut en plein coeur et elle fut soudain bouleversée...

Elle avait hâte de retrouver Rollin, de pouvoir déverser dans les bras protecteurs et aimants de son bien-aimé ce trop plein de sentiments qui l'étouffait...

Mais pour le moment, elle devait retourner à la grange d'Anisset et retrouver le convoi de Bielle.

Tant bien que mal, elle se reprit, lança vers Rollin un appel au secours spirituel, elle savait que d'une façon ou d'une autre il l'entendrait, leurs âmes étaient liées... Puis elle descendit l'escalier, retrouva Marinette et lui prit Valentin des bras pour lui faire un gros câlin :

Sois sage, mon amour... Maman reviens vite, d'accord ?

Elle rendit le bébé à sa nounou :

Colinet s'est endormi, Marinette. Fais-moi quérir si quelque chose ne va pas, d'accord ?

La jeune paysanne acquiesça vigoureusement du chef avec un grand sourire et Yzalba repartit le coeur un peu serré mais l'esprit à peu près en paix...


Dernière édition par Yzalba le Ven 16 Oct - 17:52, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Yzalba
Régence des terres
Yzalba


Messages : 31
Date d'inscription : 17/09/2009
Localisation : Chambéry ou Courmayeur

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeMer 7 Oct - 8:53

Dès leur arrivée à Courmayeur, l'anniversaire de Lisyane approchant, Yzalba lui avait envoyé un pigeon porteur d'un court message pour la rassurer et lui adresser ses bons voeux :

Citation :
Ma chère amie,

Je te souhaite un joyeux anniversaire et, où que tu sois, j'espère que ce messager ailé te trouvera en bonne santé et qu'Aristote veille sur toi...

Rollin et moi avons pris les rènes de Courmayeur. Les choses s'organisent doucement, tout le monde y met une évidente bonne volonté et le village compte plusieurs personnes remarquables que j'ai décidé de prendre à mon service et qui me sont d'une aide précieuse.

Nous t'espérons de retour parmi nous bientôt. Je prie pour toi, mon amie.

Bien à toi

Yzalba

Et ce matin à sa grande joie, une réponse de la baronne lui parvint :


Citation :
Ma chère Yza,

Ta missive me réchauffe le cœur et le corps.
Nous ne nous sommes pas battu en Languedoc, mais l'attente et les tours de garde s'enchainant ont mis le morale des troupes au plus bas.
Recevoir des nouvelles, et un souhait d'anniversaire était inespéré, je me remets doucement d'une mauvaise fièvre qui a mis un peu a mal ma santé.
L'attente et la mélancolie, mêlées surement a la dispute incessante avec une ancienne amie partie dans nos troupes...

J'aurais tant souhaité être avec vous sur mes terres et voir par moy même l'étendue des dégâts! Mais je sais que tu seras efficace et que tu peux compter sur la solidarité de mes gens, j'espère qu'Algonde a réussi a te rejoindre et qu'à vous tous vous redonnerez un peu d'espoir aux habitants des villages et aux quelques familles qui comptent sur vous.
Mais je n'ai aucun doute sur ton dévouement et celui de Rollin.

Nous partons demain d'Allais et remontons vers la Savoy, cependant ma chère amie je dois rester dans la capitale pour régler certaines affaires et mon duel avec Shera.
Je sais que tu comptais sur un retour rapide et je te demande pardon, mais ce qui m'oppose a la bohémienne doit être réglé au plus vite, cela me mange l'intérieur et seul le duel pourra nous délivrer toutes les deux de manière définitive peut être.

Mais ne soyons pas oiseau de mauvais augure pour le moment, n'est ce pas?

J'espère que cette année la neige sera tardive sinon je ne pourrais pas vous rejoindre avant le printemps, tout du moins si elle est abondante les montagnes seront impraticables, mais restons optimistes, mon amie.

Je t'embrasse et te ferai parvenir message régulièrement, dès que les marchands de la capitale prendront la route de l'Italie et pourrons remettre les missives en passant par Courmayeur.

Je te souhaite bon courage, et sois le messager d'espoir aux paysans et à ceux qui souffrent sans que je puisse être là en personne, dis-leur surtout que de loin je travaille à leur salut.

Je prie Aristote pour vous tous et lui demande bonnes grâces.

A bientôt

Lisyane

Yzalba posa la missive, un léger sourire affectueux flottant sur ses lèvres...
Revenir en haut Aller en bas
Yzalba
Régence des terres
Yzalba


Messages : 31
Date d'inscription : 17/09/2009
Localisation : Chambéry ou Courmayeur

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeMer 7 Oct - 9:02

Un voyageur arrivant de Chambéry avait amené dans son sillage des nouvelles fraîches de la capitale savoyarde. Ainsi Yza avait elle découvert les résultats des élections ducales. Très heureuse, elle prit immédiatement sa plume et rédigea le courrier suivant à l'intention de son neveu, Erelos Galanodel :

Citation :
Mon cher Ere,

Le vent de la capitale a porté jusqu'au Val d'Aoste le résultat des élections ducales. J'ai sauté de joie en apprenant que ton parti tout neuf avait obtenu deux conseillers pour sa première participation, ce qui est formidable !
Te voici porte-parole de la Savoie, mon Ere, je suis heureuse et fière de toi.

Le seul bémol est que nous n'avions déjà pas beaucoup de temps pour nous voir et qu'avec ta nouvelle charge et mes fonctions à Courmayeur, ça ne va pas s'arranger... Je ne sais même pas si nous arriverons à redescendre à Chambéry pour l'hiver. Si la neige est précoce, nous serons obligés de rester à Courmayeur jusqu'au printemps, le col du Grand St Bernard sous la neige étant une aventure dans laquelle je ne me lancerai pas avec deux enfants...

La situation à Courmayeur est très difficile. Pire que je ne l'avais imaginé. Mais les gens sont tellement heureux de voir arriver les secours qu'ils se mettent en quatre pour nous aider, dans la mesure du possible bien sur, car la famine a tué une bonne partie de la population et affaibli ceux qu'elle n'a pas fait disparaître... Rollin me seconde avec son énergie habituelle, sa présence et son amour me sont d'un immense réconfort. Quant à son aide, inutile de préciser que je ne m'en sortirais pas sans lui...

Valentin va bien, il a trouvé une nounou qui est en extase devant lui, il commence à jouer les seigneurs, il va falloir que je mette bon ordre à tout ça !!

Quant à notre petit protégé, Colinet, l'enfant d'une dizaine d'années que Rollin a sauvé de la noyade la veille de notre départ, il s'acclimate beaucoup plus lentement. Ce petit a subi un traumatisme dont beaucoup ne se seraient pas relevés, le fait qu'il soit parmi nous est en soi un petit miracle. Je commence à l'apprivoiser doucement, le reste viendra en son temps...

Donne-moi de tes nouvelles dès que tu en auras le temps et prends soin de toi, s'il te plaît...

A bientôt, je t'embrasse tendrement

Zazoo

Elle confia la missive à un messager qu'elle envoya immédiatement à Chambéry...
Revenir en haut Aller en bas
Rollin

Rollin


Messages : 86
Date d'inscription : 17/09/2009
Age : 599
Localisation : Chambéry, Courmayeur ou Saint-Jeoire

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeLun 12 Oct - 16:46

*Ouvrant la porte à toute volée, Rollin pénétra dans le logis que Lisyane leur avait baillé pour leur séjour à Courmayeur. Marinette était auprès de l'âtre, sans doute en train de somnoler, et avait sursauté en entendant l'huis s'ouvrir. Essayant de se donner une contenance, elle lissa les plis de la sorte de tablier qu'elle portait sur sa cotte de laine et, le yeux rivés au sol, bafouilla quelques mots:*


Messire, Dame Yza...

*Rollin interrompit la jeune fille d'un geste impérieux de la main.*

J'suis pas là pour ça, Marinette... je n'fais qu'passer... Les enfants vont bien?

*La jeune fille avait instantanément rougi lorsque le compagnon de la Régente lui avait adressé la parole.*

Je... euh... oui... Valentin dort et Colinet aussi, mais... il était pas bien tout à l'heure, Dame Yzalba est allé l'voir, mais il était étrange...


*Rollin, qui cherchait frénétiquement dans leurs affaires le petit pupitre portatif d'Yzalba, s'interrompit.*

Comment ça pas bien?

*Marinette expliqua ce qu'elle avait vu et le paysan eut l'air étonné... il ne savait que penser de cette crise soudaine et au creux de sa poitrine un noeud gêna sa respiration.*

Veille bien sur lui, Marinette, c't'un dur à cuire, mais il a enduré plus de souffrance qu'nous tous. J'pars pour le bourg immédiatement et ne r'viendrai pas avant le crépuscule... Fais d'ton mieux... et de grâce, mange quelque chose, nous avons amené des vivres de Chambéry. Sers-toi et prends du repos tant qu'les marmousets t'en laissent l'occasion.

*Ayant enfin mis la main sur ce qu'il était venu chercher, Rollin mit la correspondance personnelle d'Yzalba en lieu sûr et emporta le coffret.*
Revenir en haut Aller en bas
Colinet

Colinet


Messages : 12
Date d'inscription : 23/09/2009
Localisation : Là où mes pieds me mènent

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeVen 16 Oct - 17:41

"Quand des méchants s'avancent contre moi,
Pour dévorer ma chair,
Ce sont mes persécuteurs et mes ennemis
Qui chancellent et tombent.
Si une armée se campait contre moi,
Mon cœur n'aurait aucune crainte;
Si une guerre s'élevait contre moi,
Je serais malgré cela plein de confiance."


Psaume 27, 2-3


Colinet avait sombré dans un sommeil étrange et agité, comme tous ses songes depuis qu’il avait frôlé la mort quelques jours plus tôt dans le lit de la Leysse, au milieu du Jardin du Verney.

Son esprit était troublé et un malaise grandissait en lui au fil des jours… En fait, même s’il avait du mal à l’admettre, il ne se sentait bien que lorsqu’il était près d’Yzalba et de Rollin... et quelque part au fond de son cœur, Colinet avait peur de cela, peur d’éprouver de l’attachement pour ces inconnus. Il tenait toujours bon face à Rollin, mais pour ce qui était d’Yzalba… c’était une autre paire de manches! Ses gestes doux, sa voix musicale et rassurante, ses attentions, son amour et sa force. Colinet sentait bien qu’il ne pourrait pas toujours lutter contre cela. Et dans ce cas, il ne lui restait que peu de solutions : trahir la promesse qu’il s’était faite ou abandonner ceux qui l’avaient accueilli.

Au milieu de toutes ces interrogations, il y avait aussi la douleur lancinante dans son corps et les pointes qui vrillaient son crâne sans arrêt, et ses yeux toujours aveugles, et les cauchemars ignobles…

Colinet avait sombré dans un sommeil étrange et agité, comme tous ses songes depuis des jours et des nuits…

Une vague d’angoisse avait surgi, puis une étrange chaleur… et dans les nuées colorées où flottait son esprit engourdi retentit le son irréel des accords de milles luths et d’une myriade de psaltérions, les envolées d’une multitude de flûtes et la mélopée joyeuse d’une infinité de chalemilles… une musique que Colinet ne pouvait décrire, ni même appréhender dans son entièreté, tant ses registres étaient subtils et étendus… Une lueur vive perça la brume… un rai doré et pur, comme échappé du soleil lui-même… et un vieil homme se présenta à lui, le front couronné de sept diadèmes et le cou orné de sept étoiles brillantes… Son corps tout entier était revêtu d’une robe sombre de clerc et entre les pans entrouverts on pouvait voir un harnois plus brillant que l’argent. A son côté une longue épée reposait dans son fourreau de cuir rouge et un sourire bienveillant éclairait son visage d’où irradiaient la sérénité et la douceur…

L’enfant était comme paralysé, et dans le capharnaüm de son esprit, plus aucune partie de son corps ne lui obéissait… Colinet rêvait, il le savait car il n’y avait pas de pansement sur ses yeux et il y voyait parfaitement… Il rêvait et, c’était bien là le plus frustrant : il s’en rendait compte… L’homme avait sans doute compris le trouble de Colinet et souriait. L’enfant eut soudain la désagréable impression qu’il ne pouvait rien cacher à celui qui se trouvait dressé devant lui… aucune pensée, aucun rêve, rien n’échappait à l’éclat de feu qui brillait dans son regard.

Dans un craquement de tonnerre, Colinet fut plongé dans le noir. Le sol se déroba sous ses pieds et il eut l’impression de tomber d’un à-pic vertigineux, il aurait voulu crier mais aucun son ne sortait de sa bouche… et puis qu’à cela ne tienne, de toute façon, il ne savait plus s’il avait toujours une bouche, une voix, ou des mots pour crier…

Dans un sursaut et un choc immense, l’enfant s’éveilla, le cœur battant à tout rompre, en ayant l’impression de rebondir sur la paillasse qui garnissait son lit. Pourtant, étrangement, l’angoisse était partie… seule restait la paix…

Colinet inspira profondément et profita du silence, Yzalba était repartie, Rollin devait être près des convois, Valentin dormait sans doute… et la fille de ferme ne chantait plus…
Revenir en haut Aller en bas
Yzalba
Régence des terres
Yzalba


Messages : 31
Date d'inscription : 17/09/2009
Localisation : Chambéry ou Courmayeur

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeVen 16 Oct - 19:14

Un peu plus tard, échevelée par sa chevauchée depuis la grange d'Anisset, Yzalba mit pied à terre devant la maison et mena sa monture dans la petite écurie qui jouxtait la maison. Il faisait froid, le ciel était d'un gris de plomb, et la bête était en sueur après le galop auquel Yzalba l'avait contrainte. Aussi, bien que son cœur fut toujours étreint par l'angoisse, Yza prit le temps de bouchonner la douce jument afin qu'elle ne prenne pas froid... Elle lui donna à manger, remerciant silencieusement Algonde qui avait fait apporter une botte de foin. Alors seulement elle s'autorisa à quitter l'écurie et c'est en courant presque qu'elle franchit les quelques mètres qui la séparaient de la maison. Elle se força à respirer à fond pour calmer les battements désordonnés de son cœur.

Elle poussa alors la porte et devant le tableau qui s’offrait à ses yeux, elle se demanda soudain pourquoi elle s'inquiétait autant : Marinette avait dressé sur la table le couvert pour le souper de la petite famille. Valentin babillait dans son couffin et sans doute Colinet dormait-il encore… Yzalba regarda la table et compta trois couverts. C’est presque machinalement qu’elle lança :

Marinette, rajoute un couvert pour toi, tu souperas avec nous.

La jeune paysanne se retourna avec un regard si reconnaissant qu’Yzalba en eut le cœur serré… Elle ajouta donc, tentant malgré tout de ménager la fierté de la jeune fille :

D’ailleurs j’ai oublié de te le dire ce matin, mais j’aimerais que tu prennes tous tes repas ici, dorénavant. Rollin et moi ne serons pas beaucoup là dans la journée, donc du dîneras avec les petits, et le soir, ta présence me sera une aide précieuse qui me permettra de me détendre un peu. Es-tu d’accord ?


Oh ! Oui bien sur ! Les enfants sont faciles et vous êtes si gentils avec moi ! Ce s’ra pas une corvée, pour sur !

Le bon sourire de la jeune fille en éveilla un sur les lèvres de Valentin qui babilla de plus belle en tendant les bras vers Yza. Une immense bouffée d’amour emplit son cœur et elle alla cueillir le bébé dans son couffin :

Viens donc là, toi, mon cœur… Marinette va rester près de nous, tu es d’accord n’est-ce pas ? Et bien Marinette, Valentin ne manifeste pas de désaccord majeur à ma décision, donc c’est arrangé !

Elle réalisa soudain que l’angoisse qui lui serrait le cœur avait étrangement disparu… Elle embrassa Valentin et le tendit à Marinette avant de monter à l’étage voir comment allait Colinet.
Elle se rendait bien compte qu’elle s’attachait trop à cet enfant dont rien ne disait qu’il ne les quitterait pas dès qu’il irait mieux… Mais Yza était incapable de retenir l’amour qu'elle éprouvait quand il lui tombait dessus, et ce petit ne faisait pas exception… Secrètement, elle espérait que Rollin et elle arriveraient à lui donner suffisamment confiance en eux pour le convaincre de rester. Elle voyait à la peine de Rollin face au mur que lui opposait Colinet que lui aussi s’était attaché au petit garçon, et elle savait qu’ils avaient assez d’amour à partager pour que cet enfant devienne le leur… Mais elle savait aussi qu’on ne force pas l’affection d’un enfant et qu’il pouvait tout aussi bien décider de les quitter dès qu’il aurait repris des forces…

Elle soupira et poussa doucement la porte de la chambre. Colinet était toujours allongé, mais sa respiration indiqua à Yzalba qu’il ne dormait plus. Elle parla en mettant dans sa voix le sourire qui courait sur ses lèvres et l’amour qui emplissait son cœur…

Alors mon garçon ? Comment te sens-tu ? Tu as bien dormi ?

Colinet tourna sa tête toujours aveugle vers la porte et l’espace d’un instant, Yza crut déceler l’esquisse d’un sourire sur les lèvres du petit garçon. Colinet hocha doucement la tête.

Yza s’approcha du lit :

Bien… On va regarder comment vont tes blessures, tu veux bien ?

A nouveau l’enfant hocha la tête. Yzalba accompagnait chaque geste de paroles pour rassurer Colinet :

Je vais regarder ta tête, on va ôter le bandeau… alors garde tes yeux bien fermés, sinon tu vas avoir mal à cause de la lumière…

Elle ôta le tissu des yeux de Colinet pour regarder ses arcades.

Bon… tout va bien… ça cicatrise comme il faut… Je vais remettre un peu d’onguent, ça va peut-être faire un peu mal quand je vais toucher, mais ça va aider tout ça à se remettre plus vite, d’accord ?

Elle commença à appliquer doucement l’onguent sur les blessures et Colinet fit une grimace. Et soudain, la plus belle surprise de sa journée se produisit, la voix de Colinet retentit clairement dans la chambre :


Ca pique !

Yza tenta de maîtriser son émotion et la cacha derrière un rire :

Oui mon grand, ça pique, ça veut dire que ça travaille à réparer tes sourcils ! maintenant je vais regarder tes yeux, un par un et c’est moi qui soulève les paupières, hein ? Tu ne bouges pas…

L’un après l’autre, elle examina les yeux de l’enfant. Le sang refluait petit à petit, tout semblait se remettre comme il fallait.

Bien…

Elle ébouriffa les cheveux courts du garçonnet avant d’ajouter en souriant :

Dans deux jours, tu vas enfin savoir précisément la tête que j’ai… J'espère que tu n'auras pas peur en me voyant !! Tu vas recouvrer la vue, mon garçon, ça ne fait aucun doute… Est-ce que tu commences à distinguer des choses ?

Elle posait volontairement des questions pour essayer de renouveler le miracle… mais un par jour c’est déjà beaucoup, et cette fois Colinet répondit à nouveau en hochant la tête… Elle mit en place un nouveau bandeau, plus léger, et termina son examen du reste du corps du petit. Puis elle se leva et tendit sa main à Colinet :

Bon, et bien il ne reste plus qu’à aller remplir ce petit estomac tout creux… tu n’as pas faim ? Rollin ne devrait plus tarder et nous allons souper.

Elle appelait en fait de toutes ses forces le retour de Rollin, l’orage qui arrivait ne laissant pas de l’inquiéter… Et puis après cette épuisante première journée, elle avait besoin de la chaleur de ses bras, du feu amoureux de ses prunelles noires, pour pouvoir lâcher enfin la pression qui la tenait pour le moment…
Mais avant de se détendre, elle avait aussi besoin du rapport que devait ramener Rollin. Ils en déduiraient les actions à mener…

Elle revint à Colinet qui sortait de son lit et glissait sa petite main chaude dans la sienne… La confiance… redonner confiance à cet enfant, tenter de lui donner l’amour qu’il lui manquait, même si elle savait qu’elle ne remplacerait jamais la mère perdue… Où était-elle, d’ailleurs, la mère de Colinet ?

Sans laisser rien paraître de ses préoccupations, elle sourit au petit garçon et, avec lui, descendit l’escalier pour rejoindre Marinette et Valentin et attendre avec eux le retour de Rollin…


Dernière édition par Yzalba le Lun 19 Oct - 19:09, édité 2 fois
Revenir en haut Aller en bas
Colinet

Colinet


Messages : 12
Date d'inscription : 23/09/2009
Localisation : Là où mes pieds me mènent

Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitimeLun 19 Oct - 16:18

Dans le silence de la petite chambre qu’il partageait depuis leur arrivée avec Valentin, Colinet souriait… Pour la première fois depuis des jours, si pas des semaines, son esprit était en paix. L’étrange expérience qu’il venait de vivre au cœur de ce songe bizarre semblait avoir atténué ses craintes et ses angoisses.
Le petit garçon entendit la porte d’entrée de la maison s’ouvrir et se refermer et la voix musicale d’Yzalba résonner au rez-de-chaussée. Son petit cœur battit plus vite… regagner son calme, vite… et résister à cette envie de sauter bas du lit et de dévaler les escaliers quatre à quatre pour se précipiter contre elle et la serrer fort dans ses bras, enfouir son visage au creux de son cou… non… surtout ne pas céder.

Colinet entendit des pas légers sur les marches étroites de l’escalier et, bien avant qu’elle ne parle, il sut que la jeune femme venait de passer la porte de la chambre. Cette odeur de fleurs et de plantes, ténue et tellement délicate, l’accompagnait partout et annonçait toujours son arrivée… L’enfant tenta de réprimer son sourire.

Yzalba lui parla et s’approcha. De bonne grâce, Colinet se laissa examiner, la douleur de son corps s’était à peine atténuée, mais il n’en montrait rien. Et la lumière brûlait toujours ses yeux blessés. Le picotement lui arracha presque des larmes, mais il n’était pas question de montrer ses faiblesses à la jeune femme… surtout qu’en cette heure, au milieu d’un voile toujours présent mais bien moins dense qu’auparavant, il apercevait enfin le visage d’Yzalba. Les détails lui échappaient encore, mais il pouvait la voir !.. Surtout ne rien montrer… garder son calme… respirer doucement…
Des mèches blondes échappées de sa coiffe de lin, une bouche souriante, des yeux pétillants de joie… et gris comme… comme… un peu plus clair que le pelage de la souris qu’il nourrissait dans la ferme des Chavonettes…

Le petit garçon luttait contre lui-même et ce qui se passait dans son cœur. Foi de lui, il ne laisserait pas Yzalba et Rollin gagner la partie aussi facilement… mais pour l’heure il voulait juste goûter à la paix et à la douceur d’un foyer… Il s’était levé et avait glissé sa main entre les doigts délicats de la jeune femme les serrant fort au creux de sa paume menue... Colinet se laissa guider… aveuglément…
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Arrivée à Courmayeur... Empty
MessageSujet: Re: Arrivée à Courmayeur...   Arrivée à Courmayeur... Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Arrivée à Courmayeur...
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Retour sur Courmayeur
» La situation de Courmayeur.
» Une messe pour Courmayeur...
» L'église sur la place du village de Courmayeur
» Les légendes. ( A completer au grès de vos envies.)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
La Baronnie de Courmayeur :: Les extérieurs. :: Maison d'Yzalba et Rollin-
Sauter vers: