Le destrier a dévalé les vallons, escaladé les pentes, faisant lever maints nuages de poussière dans le sillage de sa course. Un équidé moins vaillant que lui aurait déjà failli à sa tâche, mais pourtant lui, sent son sang, fluide vital, circuler en tout liberté dans son corps et point il ne sent la fatigue et la douleur. Sensible animal, il comprend son maître qui lui, ne comprend plus, perdu, qui a pour seul désir, seule lanterne d'arriver à Courmayeur. Le cheval déboule dans le village, son cavalier l'encourageant de plus belle. Les villageois se jettent contre les murs qui bordent les étroites chaussées, les sabots claquant contre les maigres pavés et tambourinant contre la terre brute et tapée. L'individu dirige sa monture avec une volonté peu commune, effectuant des virages serrés et éclaboussant les gens qui pestent de l'eau pestilentielle mélangée d'excréments qui jonche le sol. Sur la place, un paysan mécontent aperçoit la scène et tente de faire justice. Juché sur sa charrette, il pousse ses bœufs et se met dans la route de l'homme et sa monture. L'animal voit l'obstacle venir et dans une acrobatie des plus romanesques, il saute par-dessus l'attelage et atterrit dans un crissement de fers sur la pierre.
Finalement, le cavalier atteint la demeure, et imposant qu'il est, son épée bâtarde au côté, donne méfiance aux gardes qui entrecroisent leurs piques. Ceux-ci sont sortis de leur torpeur, eux qui veillent normalement avec routine et discrétion à ne rien faire. Il héle les défenseurs avec puissance et autorité, sa voix grave résonnant jusque par-delà le Mont Blanc:
Écartez-vous braves hommes, on vient voir la Baronne de Courmayeur!
Délaissant sans plus de cérémonie sa monture, le Géant laisse les gardes décontenancés en arrière et s'engouffre dans la demeure. Ceux-ci échangent un regard, et reprenant esprit, ils accourent à la poursuite de l'homme.