La Baronnie de Courmayeur
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La Baronnie et ses petites histoires
 
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Rollin

Rollin


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MessageSujet: Retour dans la haute vallée   Retour dans la haute vallée Icon_minitimeMar 23 Mar - 13:59

*À la veille du printemps, après avoir supporté l'incendie de leur moulin et enduré les affres de la guerre, Yzalba et Rollin s'apprêtaient à revenir sur les terres de Lisyane. Le chariot avec lequel ils étaient redescendus des montagnes en novembre avait été remisé dans la grange du Vieux – que le Liégeois n'arrivait décidément pas à appeler par son prénom – et la Régente avait fait acheter trois mulets à son compagnon. En effet, jamais un charroi aussi lourd et si peu maniable ne leur aurait permis de faire route sur les sentes enneigées plus aisément que juchés sur le dos des braves bêtes de somme. Et bien que le redoux s'annonçât ici – à n'en pas douter la cluse de Chambéry allait sous peu quitter ses atours hivernaux et troquer le blanc mantel pour la robe vert tendre des jeunes pousses printanières – il en allait tout autrement au loin, en direction du Levant, dans les cols et les vallées de haute montagne qu'il leur faudrait traverser: Là-bas l'hiver n'était pas terminé et la neige, encore épaisse, ne s'en irait pas avant avril bien sonné.*

*À son habitude, le Liégeois avait préparé leur voyage dans les moindres détails. Connaisseur comme il l'était de la vie aventureuse des chemins, Rollin savait mieux que quiconque que, une fois en route, le plus petit défaut de prévoyance pouvait être lourd de conséquences voire même vous coûter la vie. Dans la pâleur argentine de l'aube naissante, le paysan avait vérifié une dernière fois les ventrières des mulets puis testé la bonne tenue du bât. Protégé dans de grands sacs de toile grège – tissée si serré qu'elle en était imperméable – leur bagage, pour sommaire et fruste qu'il fut, n'en comprenait pas moins tout le nécessaire (et même plus) pour leur assurer un confort minimum une fois dans les montagnes. Ainsi, la Régente et son compagnon y avaient-ils entassé en bon ordre une mesure de blé suffisante pour donner la farine nécessaire à dix journées de pain – et donc ne pas peser outre mesure sur les maigres réserves courmayeurines–, des vêtements, leur nécessaire de couchage et d'intendance pour le bivouac, ainsi qu'une grande quantité de vivres et les outils et menus objets indispensables à la traversée de contrées sauvages.*



*Au chant du coq, le soleil aveuglant se leva enfin au-dessus du massif des Bauges, hissant son impériale orbe d'or poli sur le champ d'azur cristallin du ciel matinal, et réchauffa de ses premiers rayons l'air glacé de ce matin de mars. Yzalba allait et venait sans cesse entre les mulets et la masure, trouvant toujours quelque chose à retirer ou à ajouter au bagage. Valentin, passablement remuant, tentait vainement d'échapper à l'étreinte fraternelle de Colinet… C'est que, à près d'un an, le petit démon avait de la force et de l'énergie à revendre, et si l'on y prenait garde il arrivait toujours à vous fausser compagnie pour filer à quatre pattes dans un recoin inaccessible. Le bébé avait désormais quitté ses linges de nourrisson et portait avec une certaine prestance – il faut l'avouer – les chausses courtes liées au genou et la longue robe rouge des jeunes enfançons. Et ce matin-là, avec une lueur de fierté dans le regard et bien qu'il ne marchât pas encore, sa mère lui avait ôté ses petits chaussons en cuir de veau pour le parer de ses premières véritables chaussures "de grand". La vie battait donc son plein au cœur de la Mesnie de la Régente de Courmayeur, et une effervescence à peine supportable agitait tous les esprits. C'est ce moment quelque peu chaotique que les amis proches d'Yzalba et Rollin choisirent pour venir faire leurs adieux: Viviand, celui qu'on nommait le Vieux du Coin, qui, le teint gris et les traits tirés, avait fait fi de sa convalescence pour assurer de ses prières ses jeunes voisins et quasi-parents; Jeannot, la petite Adélie et leur mère étaient venus également, bravant la froidure matinale pour embrasser Yzalba et les siens.*

*Rollin avait beaucoup de mal à cacher son émotion, non pas qu'il soit particulièrement enclin aux excès de sensiblerie mais, ayant connu bien trop longtemps la vie sordide de l'errance, il répugnait toujours à quitter sa terre d'accueil... seuls l'amour qu'il portait à sa bienaimée et son désir d'assistance aux gens de Courmayeur le pouvaient décider à agir ainsi et délaisser le havre de paix que Chambéry était devenu pour lui.*

*Au deuxième coup des laudes discrètement sonné à Sainte-Nitouche, les voyageurs enfourchèrent leurs montures rustiques pour un voyage qui promettait d'être rude. Rollin se plaça en tête de convoi, Colinet assis devant lui; Yzalba vint ensuite, Valentin maintenu dans une sorte de hotte fermement arrimée à son dos; puis le troisième mulet qui portait la majeure partie de leur bagage; enfin, guidée par une longue longe de chanvre, Bogdana la grande chèvre brune des alpages fermait la marche en trottinant gaiement. L'étrange équipage quitta la cité endormie, adressant un dernier salut de la main aux amis fidèles...*

*À l'angle de la Ruelle Derrière les Murs, les échos rassurants de leurs voix vibrantes d'émotion leur parvinrent à l'unisson, une dernière fois:*

Adieu, que le Très-Haut vous garde!



*Si les premières lieues furent avalées bon train, avec un allant joyeux et volontaire, il en fut tout autrement une fois les épaulements des Bauges atteints. Bientôt la neige ralentit leur progression et c'est là qu'ils prirent la pleine mesure des difficultés qui jalonneraient leur voyage. Poussant plus avant les dociles mulets aux pieds agiles et surs, ils grimpèrent en direction des hauts de Conflans, longeant les sentes sinueuses et glissantes rognées à même la peau rugueuse et craquelée des Alpes par des générations de voyageurs. Passant leurs nuits au mieux que le pouvaient assurer les abris de pierre des vachers et les refuges des bergers, la Mesnie de la Régente fendit à longueur de jour la dangereuse mer de neige et de glace comme un frêle esquif menés par des marins obstinés et un peu fous... Les montures enfoncèrent leurs membres jusqu'au corps dans l'épais tapis immaculé et il n'en fallut pas plus pour que leur panse blanchisse de la neige qu'elles raclaient sous elles.*

*Pour épargner le plus possible sa bienaimée qui attendait famille, Rollin avait très vite endossé la hotte où nichait Valentin. L'état de fatigue extrême et les efforts répétés que devait fournir la jeune femme sur une si longue traversée inquiétaient le Liégeois. La Perle d'Armavir était forte, mais le paysan savait les risques qu'elle prenait et la menace sourde que ce voyage faisait peser sur le bon déroulement de la gésine d'Yzalba. Redoublant d'attentions et d'égards, bien souvent au détriment de sa propre sécurité et de ses forces, Rollin faisait tout ce qui était en son pouvoir pour soutenir et ménager celle que son cœur aimait.*

*À force de persévérance, la Mesnie de la Régente finit par atteindre les passes escarpées de Saint-Gervais puis La Gruvaz, point de départ de l'ultime ascension, d'où ils tentèrent le passage par les glaciers. Les voyageurs eurent beau se réconforter en se disant que c'était là leur dernière épreuve, que de l'autre côté attendait La Visaille et le chemin qui les mènerait à l'embouchure de la vallée, là-bas, sur les hauts d'Entrèves, les glissades répétées des sabots des mulets dérapant sur la neige et la glace ne les rassurèrent pas du tout.*

*La dernière nuit, passée à la belle étoile faute d'avoir pu trouver un abri, fut sans doute la plus difficile à supporter. Les enfants blottis contre leurs flancs, emmitouflés dans leurs épaisses couvertures, Yzalba et son compagnon endurèrent les morsures du froid et la torture des extrémités gercées jusqu'au sang. Rompus de fatigue, les traits tirés et les yeux bouffis par la nuit de veille, ils accueillirent l'astre solaire avec une joie que, pourtant, les dangers de la montagne les forcèrent à taire.*

*Enfin, au milieu de la huitième journée de voyage – soit près du double du temps normal qu'il fallait pour faire la route en été –, l'équipage titubant s'échoua au beau milieu de la placette d'Entrèves, juste aux pieds des murs épais de la maison forte. Alarmés par les pleurs de Valentin perclus de fatigue, quelques paysans sortirent intrigués de leurs masures basses aux toits couverts de neige. Une intense agitation s'empara d'eux et une grande clameur retentit portée par l'écho… La Régente était revenue avec sa Mesnie au grand complet!*

*On réconforta les voyageurs à grands coups de tord-boyaux et de bouillasse fumante, épaisse et revigorante, puis, le temps d'affréter en grande hâte un lourd chariot auquel on accoupla deux solides paires de bœufs, on installa le plus confortablement possible Yzalba et les enfants sur des peaux et des couvertures. Marchant aux côtés du charroi, Rollin mena les bêtes à la longe en prenant bien garde de ne pas montrer qu'il y jetait ses dernières forces… Ainsi, dans l'heure qui suivit, les Chambériens, affaiblis mais heureux, passèrent la porte de la maison de la Régente où les attendait Marinette, sourire aux lèvres et joues remplumées.*
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Rollin

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MessageSujet: Re: Retour dans la haute vallée   Retour dans la haute vallée Icon_minitimeMar 23 Mar - 14:05

*Valentin, vaincu par la fatigue, s'était endormi à même la hotte et ne se réveilla même pas lorsque Rollin le déposa dans son berceau. Le paysan dut insister – juste pour la forme, mais insister tout de même – pour qu'Yzalba remettre au lendemain ses premières visites… Le Liégeois, le cœur gonflé d'amour pour sa belle, la mena à leur chambre et la borda avec douceur et tendresse.*

*Sans attendre plus longtemps, il mit Bogdana à l'étable et débâta aussitôt les mulets pour les panser et les nourrir. Un sourire bienveillant aux lèvres, Rollin avait décliné l'aide de Colinet qui, bien que vaillant et plein de bonne volonté, avait fini par s'effondrer, épuisé, sur la grande peau étendue devant l'âtre. Le paysan le laissa dormir et donna ses instructions à Marinette puis, lorsqu'il eut déchargé et rangé leur bagage, il se posa quelques instants sur le petit tabouret tripode qui trainait près de l'âtre. Laissant la flambée lui réchauffer la peau et les os, le Liégeois observa longuement l'enfant dans son sommeil, détaillant la façon qu'il avait de pincer ses lèvres fines, le doux balancement des mèches noires de ses cheveux si semblables aux siens – et qu'il faudrait bientôt couper, d'ailleurs –, le relâchement de ses membres déliés, l'imperceptible mouvement de sa mince poitrine qui rythmait avec une régularité parfaire le flux d'air qui le maintenait en vie…*

*Le paysan s'ébroua et, dans un soupir, étira ses membres solides mais éreintés. Après s'être rafraîchi à l'aiguière de la crédence, il enfila à nouveau mantel et chaperon puis s'en alla à pied en direction de la demeure de la Baronne, en quête d'Algonde ou de Mathilde, laissant les gens de sa Mesnie profiter d'un repos bien mérité.*


La suite dans la Grande Salle de la demeure de la Baronne: Un repos bien mérité
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