La Baronnie de Courmayeur
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La Baronnie et ses petites histoires
 
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 ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...

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Rollin

Rollin


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MessageSujet: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 12 Oct - 17:10

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Chimère

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 12 Oct - 17:19

Au travers des rues désertes, le jeune noble déambulait à la recherche de la place de Courmayeur… Le pas chaloupé de son destrier le berçait doucement et pour un peu il se serait volontiers aller à somnoler.

Enfin, il arriva sur la petite place où se trouvait la fontaine, à l’ombre d’une église de belle taille. L’adolescent se signa, un sourire aux lèvres puis mena sa monture jusqu’à une hostellerie que signalait une couronne de verdure suspendue à une poutre, en guise d’enseigne… symbole universel merveilleux entre tous pour un voyageur en mal de vin et de damoiselles amoureuses.

Le garçon descendit bas de son cheval et fixa la longe à un des anneaux fichés dans la façade. Il regarda le bâtiment défraîchi avec une moue dubitative puis, soupirant, poussa la porte et entra.
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Rollin

Rollin


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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 12 Oct - 18:13

*Sous l’œil médusé de l’unique garde en faction, l’étrange équipage de quatre cavaliers partageant trois chevaux passa en trombe les grilles du bourg. Les sabots ferrés de leurs montures résonnaient comme le tonnerre dans les ruelles étroites et désertes. Les quatre hommes débouchèrent sur la place principale, là où l’austère église Saint-Pantaléon et la fontaine volubile conversaient depuis des générations. Au-delà du toit de la nef, Rollin distingua la silhouette massive de la Tour Malluquin, seul véritable lieu fort de la vallée mais qui ne servait guère plus qu’à l’entreposage du matériel de la soldatesque de Courmayeur. A l’ombre des quelques arbres qui bordaient la fontaine, seule une volée bruyante de moineaux troublait le silence et l’immobilité ambiante… personne… personne… et, étrangement, un destrier pommelé à l’attache devant la seule auberge encore ouverte. Il n’y avait pourtant plus rien à proposer aux voyageurs depuis des semaines… Rollin leva un sourcil étonné puis se dressa dans ses étriers et sa voix forte résonna sur la place… une voix où ne coulait plus l’accent roulé du paysan… une voix grave et vibrante… parfaite pour donner des ordres au milieu du fracas de la bataille… *

Oyez, braves gens de Courmayeur ! La Baronne est partie en guerre et vous souffrez famine…

*Quelques villageois pointèrent leur nez aux fenêtres et aux portes.*

La fin de vos tourments est proche ! Des deux côtés de la vallée de l’aide nous arrive, et des vivres, et des bras… Approchez, citains et aforains, car votre aide est requise par la Régente !

*Peu à peu, la population de Courmayeur sortait des maisons avoisinantes et se massait sur la petite place. Rollin parcourut les visages aux joues haves et aux yeux caves et ce qu’il y lut lui tortura le cœur : la faim, la peur, et, pire, l’acceptation fataliste de la mort… Les gens de Courmayeur n’étaient plus que des ombres, souvenirs décharnés des fiers paysans d’antan. Et le Liégeois fut frappé d’une chose… il n’y avait que très peu d’enfants et de vieillards.*


Dernière édition par Rollin le Ven 26 Fév - 16:21, édité 1 fois
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Hadwin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMar 13 Oct - 13:04

Voilà une chevauchée rondement menée songea Hadwin, lui-même piètre cavalier, juste le temps de s'habituer à une assise rudimentaire et voici les cavaliers arrivés à bon port.
Certes il y avait eu cette courte halte chez la Régente afin d'y trouver un nécessaire d'écriture ou le jeune homme attendit Rollin dehors en compagnie des deux soldats qui les accompagnaient. Peu loquaces les gaillards d'ailleurs, ils n'avaient pas ouvert la bouche depuis leur départ, ni même esquisser la moindre expression. Ils semblaient être faits du marbre de Carrare, froid et intemporel...

Sa légère blessure au visage avait cessé de saigner, il maudit encore un court instant la végétation épineuse de ces terres et admirait la dextérité cavalière de Rollin, il aurait souffert mille-morts si il avait du chevaucher lui-même en tentant de le suivre!

Le Bourg de Courmayeur... Quelconque estranger arrivant ici en ces temps de misère pourrait douter que l'endroit fusse encore habité... Rien d'autre que le vent s'engouffrant entre les chaumières rompait le silence de mort qui régnait sur l'endroit. Ce village fantôme lui donna des frissons, après l'horreur qu'ils venaient d'apercevoir au bord des chemins, Hadwin redoutait de pas avoir assez d'encre pour inventorier les noms de tous les défunts ayant un jour animé le cœur de ce bourg.

Et Rollin entra en action, hélant la population cloitrée chez elle et si miracle il devait y avoir, ceci en était proche. Un groupe de personnes commença à se masser autour d'eux, désordonnés, rachitiques, épuisés, l'air hagard...
Hadwin tenta d'évaluer grossièrement combien de survivants étaient encore coincés icylieu, il estima au gré du flot timoré des habitant qui continuait à se rassembler qu'un moins un bon tiers n'avait pas survécu. Parmi les malheureux ayant rendu leur âme au Très-Haut, trop d'enfants, trop de doyens mais le pire n'était peut-être pas encore là, combien de femmes enceintes ont perdu leur enfant avant parfois de rendre elle-même leur dernier souffle?

Hadwin descendit de cheval, baissa le regard tant il avait du mal à rester insensible à ce qu'il voyait et devinait dans les yeux creusés des villageois, il s'agenouilla et adressa une prière au Très-Haut lui demandant d'épargner le reste de ces malheureux.
Puis il demanda à Rollin comment il comptait organiser le sinistre recensement.

Rollin? Dis-moi mon ami, comment fais-t'on pour inscrire les noms des survivants? Devons-nous demander aux deux paltoquets qui nous accompagnent d'organiser une file au bout de laquelle je me tiens prêt à l'ouvrage? Peut-être devant l'Eglise? Cela conforterait nostre juste cause et lui redonnera peut-être un peu de courage pour attendre le ravitaillement?

Hadwin était mal à l'aise, ce genre de travail était une première et le gamin n'avait été confronté à la mort que lors du décès de ses chevaliers de parents il y a bien longtemps en Provence... Son père tombé au combat face aux écorcheurs qui assiégeaient Draguignan et sa mère n'ayant pas supporté l'idée même d'être veuve s'était jetée du haut des remparts de Castellane.
Violence et mort, voilà des sensations qu'Hadwin souhaitait au plus profond de lui-même ne plus jamais éprouver tant cette cicatrice était encore une plaie ouverte par endroit...
Il chercha le réconfort du paysan qui, selon ce qu'il lui avait dévoilé de sa vie avait déjà de la bouteille en terme de vie mouvementée.
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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeVen 16 Oct - 13:33

*Rollin, toujours dressé dans ses étriers parcourait de ses yeux couleur de nuit la masse agglutinée de paysans décharnés… Le jeune homme se força à regarder au-delà des apparences pour se détacher de tout état d’âme, car il savait que dans l’urgence de sa mission le cœur ne devait pas interférer avec l’esprit. Il ne savait que trop bien ce que pouvait coûter un seul instant d’hésitation dans pareille situation.*

*Son regard perçant toisait et sondait… trop maigre, trop jeune, trop faible, malade, trop vieux… Il triait dans sa tête, classant méthodiquement chaque habitant du bourg… Il avait une tâche à accomplir pour Yzalba et rien ne pouvait l’en détourner, c’était le seul but qu’il voulait atteindre… et c’est à cet instant que Hadwin descendit et s’agenouilla pour prier.
Le passager de Rollin semblait très affecté par ce qu’il voyait et le paysan se rendit compte que, malgré le peu d’années qui les séparaient, les épreuves de l’errance l’avaient endurci à un point qu’il avait peine à imaginer… Hadwin paraissait bouleversé et lui, lui qui savait la douleur et la faim, la peine et l’amertume, lui le déraciné, lui… lui il restait là, juché sur son palefroi, roide et ferme, comme revêtu d’un harnois d’indifférence… Pourtant, le Liégeois aurait tellement voulu montrer combien le sort de ces gens l’affectait, combien pour eux il aurait été capable de mettre sa propre vie en danger… Mais Rollin savait les leçons de son vieux mentor Messire Jean… il savait qu’en temps de trouble, le peuple n’a pas besoin qu’on lui dise qu’on compatit… non… il a besoin d’un guide, d’une lumière, d’un étendard pour se rallier…*

*Hadwin s’était relevé et le compagnon de la Régente le fixa intensément de ses pupilles noires, brillantes comme des gemmes. Ses lèvres s’arquèrent imperceptiblement en un sourire discret. Le Liégeois se rassit sur sa selle et se pencha vers le jeune étranger. Posant une main amicale sur son épaule, dans un geste qu’il voulait réconfortant, il lui parla à voix basse :*

N’vous inquiétez pas, Hadwin, ces gens ont affronté l’plus dur…

*Le paysan retira sa main, puis il redressa le buste et continua à voix haute :*

Oui, sur le parvis d’l’église c’t’une bonne idée… mais tous ne f’ront pas la file, ça nous ralentirait…Le plus important est de dresser la liste des vivants… le nombre des pertes devrait pouvoir être déduit des rôles et livres de comptes de Dame Lisyane.

*Rollin se tourna vers les gens assemblés autour d’eux et sa voix résonna à nouveau sur la place, pleine de conviction et d’autorité… et où son accent rocailleux s’était de nouveau éteint :*

Citains de Courmayeur ! Qui sont parmi vous les chefs de feux ?

*Une grosse dizaine de mains s’élevèrent, hésitantes… Rollin compta… douze exactement, dont deux femmes…*

Bien… Je vais vous demander de vous mettre en file devant Messire Hadwin ci-présent. Vous donnerez votre nom et votre âge et ceux des membres de votre maisonnée… Si vous avez du bétail, vous lui préciserez également le nombre de têtes.

*Rollin parcourut à nouveau l’assemblée pitoyable et il sentit son cœur se serrer… Tous ces yeux tournés vers eux quatre, des yeux où le Liégeois lisait toute l’horreur que ces paysans enduraient. Au milieu de la foule, il vit une petite fille maigre à faire peur et dont les grands yeux verts n’en finissaient pas de déverser des larmes silencieuses… les enfants… Rollin sentit sa gorge se nouer et une vague de tristesse l’envahir…*

Y-a-t-il des enfants ou des jeunes gens seuls, parmi vous ?

*Rollin se sentit vaciller dans ses étriers… la petite fille avait levé sa minuscule main… et quelques autres avec elle.*

Bien… asseyez-vous près de la fontaine, on va s’occuper de vous…

*Le paysan regarda les orphelins avancer en groupe compact, comme des agneaux menés aux abattoirs des mangons… Spectacle ignoble de la misère humaine que ces enfants accablés par le sort… La petite fille frissonnait et claquait des dents… D’un geste aussi soudain qu’imprévisible, Rollin, n’y tenant plus, descendit de sa monture, ôta son esclavine de laine grossière et, sans un mot, il la fit enfiler à la fillette… leurs yeux s’étaient croisés et au travers de ce bref regard échangé, ils s’étaient parlés… Le paysan avait esquissé un sourire et, tournant prestement les talons, il rejoignit Hadwin qui prenait place sur les degrés de Saint-Pantaléon et auprès duquel s’assemblaient déjà les chefs de feux.*


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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 19 Oct - 17:46

*Les premiers chefs de feux s’annonçaient à Hadwin, ânonnant avec hésitation les choses que le compagnon de la Régente avait demandées… leur voix n’était plus que souffle ténu et chuchotement. Et durant tout ce temps, le paysan scrutait les pauvres hères qui se tenaient dans la file, chancelants et abattus. Un sourire éclaira soudain le visage de Rollin. Le jeune homme s’avança vers une des personnes alignées, un homme encore jeune, de taille moyenne, tenue poussiéreuse et mains calleuses.*

C’est toi l’meunier sur la Doire Baltée, Compère ?

*L’homme parut hésiter et, baissant les yeux, il acquiesça. Rollin continua :*

Dès qu’tu s’ras passé près de Messire Hadwin, tu fileras à la grange d’Anisset et tu t’mettras au service d’Algonde, la servante de la Baronne. Elle te donnera des instructions pour ton moulin… J’crois qu’tu vas avoir de l’ouvrage, Maître meunier ! Voici déjà de quoi t’rendre des forces.

*Le paysan avait tiré du sac que tenait Herbert un morceau de viande séchée qu’il déposa dans la main du meunier. Il regarda l’homme dans les yeux et ses pupilles noires disaient toute sa détermination et sa force d’âme. Et son accent s’effaça à nouveau, comme si le Liégeois quittait pour un temps son état de paysan pour redevenir un autre homme… un homme assuré et dont l’autorité s’imposait naturellement aux autres… un homme que, depuis des années, il s’efforçait de ne plus être au jour le jour…*

Tu es la pierre angulaire de notre action, Maître meunier… Tes mains et ton art sauveront beaucoup de vies d’ici au printemps… A la grâce de Dieu!

*Rollin avait souri et salué d’un hochement de tête le meunier passablement étonné, puis il était revenu aux côtés de Hadwin pour le regarder inscrire d’une petite écriture serrée et leste ce que disaient les chefs de feux.*


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Chimère

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMer 21 Oct - 18:16

L'adolescent aux cheveux roux était sorti de l'hostellerie lorsqu’avaient retenti les éclats de voix sur la petite place. Un peu d'animation ne ferait sans doute pas de mal à cette bourgade de fermiers passablement morne et terriblement ennuyeuse…

Le jeune noble avait laissé la populace de Courmayeur se presser avidement autour de cavaliers passablement bruyants et, feignant l’indifférence, il s’était appuyé contre le poitrail de son grand destrier, lui flattant l’encolure du plat de la main. Un sourire étrange, presque déplacé en ce lieu, lui donnait une mine réjouie, comme s’il était satisfait de ce qu’il voyait se dérouler devant ses yeux…

Le Damoiseau posa le regard sur celui qui allait à la tête des cavaliers et son sourire se mua en une sorte de grimace amère, comme un rictus vicieux… Il observa intensément l’homme de haute stature, aux épaules larges et à la chevelure noire comme la houille et durant tout ce temps il ne cessa de marmonner dédaigneusement :

Tiens, tiens… le Déchu… quelle bonne surprise… voilà donc une bonne nouvelle, je touche au but… tu ravaleras bientôt ta gentillesse et tes beaux principes, crois-moi… Oui, c’est ça, montre-toi gentil tant que tu le peux et que ces gens ne savent pas ta nature profonde…

Le garçon inspira profondément et ferma les yeux quelques instants pour tenter de reprendre le contrôle de ses émotions et le fil de ses idées. Et quelque part au fond de son esprit résonnait le hurlement sauvage de sa voix intérieure qui ne cessait de répéter qu’il aurait mieux valu que les verges aient été de fer et que la corde à nœuds fut remplacée par une plommée de dix livres, qu’il eût été préférable que cet homme-là ne survive pas à son supplice car il était le représentant d’un monde quasi éteint dont les principes et la raison d’être n’étaient plus depuis des lustres…
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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMer 28 Oct - 16:50

*Le paysan écoutait les chefs de feux, gravant à jamais dans sa mémoire ces visages torturés, ces regards fiers ou implorants, alors qu’ils passaient un à un devant le Maître de la plume… Les deux hommes échangèrent un regard, court instant durant lequel Rollin lut l’incrédulité et le désespoir dans les yeux du jeune Hadwin, tandis que le Franc-Comtois ne voyait que détermination et âpreté dans les prunelles noires du paysan.*

Citation :
Nicolà l’moniêr, 30 ans à la Toussaint… Il ne m’reste que ma femme…
*La situation semblait encore plus catastrophique que Rollin l’avait imaginée… quelques têtes de bétail, et une population presque décimée…*

Citation :
Sara, vingt et deux ans depuis la Saint Jean… Pierre, mon fils, quatre ans et… et…

*La jeune femme qui se tenait roide devant Hadwin trembla de tout son corps. Elle tenait un nourrisson dans les bras, un bébé au teint pâle et aux yeux hâves. Dans un sanglot déchirant, la paysanne tenta de terminer sa phrase, au milieu d’un flot de larmes qui dévalaient le long de ses joues creusées par la faim :*

Citation :
et… Flore… qui a six mois… mais je n’suis pas sûre que ce soit la peine de l’inscrire…

*La jeune femme s’effondra littéralement. Rollin et Hadwin se précipitèrent pour la soutenir. Les deux hommes la firent asseoir sur les marches du parvis, tentant de réconforter la pauvre fille de leur mieux. Sara serrait ses enfants contre elle et pleurait toutes les larmes de son corps… Elle avait certainement toujours tenu bon jusque là, mais sans doute était-il temps que la coupe de peine et de douleur déverse son trop plein. Hadwin reprit son poste vaille que vaille tandis que Rollin, les yeux rivés sur la mater dolorosa, serrait les mâchoires, faisant jouer nerveusement les muscles sous la peau burinée de son visage… Le Liégeois faisait des efforts surhumains pour se contenir et garder la mainmise sur ses émotions, mais l’épreuve était terrible… et si au-dehors il affichait une maîtrise parfaite de la situation, c’était tout différent au-dedans, au cœur de la tourmente où son âme était ballotée comme une coquille de noix dans un torrent.*

Citation :
Huguet, j’suis le febvre… trente-sept ans… ma femme et mes trois enfants ont survécus… Y m’reste une vache et un porc…
*Rollin priait pour que tout cela cesse… et il fut exhaussé… Huguet était le dernier des douze chefs de feux. Hadwin vérifia sa liste, parcourant le parchemin d’un œil attristé, puis il se rendit auprès du groupe d’enfants assis sur la margelle de la fontaine et nota le nom de chacun des orphelins… Là également il restait peu à dire et à inscrire… Six en tout et pour tout… Hadwin se racla la gorge et lança un regard douloureux à Rollin.*

*Le paysan n’avait pas eu besoin d’entendre de mots… il savait ce que le Franc-Comtois avait en tête. Rollin lui adressa un sourire attristé puis il se redressa de toute sa hauteur et bomba ostensiblement le torse, tant pour gorger ses poumons d’air que pour instiller dans chaque parcelle de son être le courage et la force… il avait retrouvé le goût de la lutte… veuves et orphelins, nécessiteux et gens de peu… il renouait avec d’étranges sensations surgies du passé… Sa voix résonna de plus belle, plus forte et assurée encore qu’elle ne le fut la première fois :*

Citains de Courmayeur, nous avons reçu de quoi soigner et nourrir vos gens, tout le monde sera traité à même enseigne et nul passe-droit ne sera reçu ni donné…

*Rollin se tourna vers Huguet en lui tendant le sac dans lequel se trouvait la viande séchée.*

Maître febvre, je vous assigne au bois pour le reste de la journée… Choisissez une dizaine d’hommes forts et vaillants et rendez vous sur les coupes d’épineux… Vous amènerez vos stères auprès de la grange d’Anisset pour que nous puissions les répartir au mieux entre les campements de nos bienfaiteurs. Votre groupe accomplira cela tous les deux jours.


*A l’appel de son nom, le forgeron avait sursauté, mais l’idée qu’on pense à lui pour assurer cette tâche, certes ingrate mais ô combien importante, le remplit de fierté… lui qui était toujours resté dans l’ombre de son maître, il pouvait enfin prendre une place dans la vie de son village et montrer sa valeur. Bien sûr, il ne se réjouissait pas du décès du vieil artisan, mais il devait bien avouer que cela servait au mieux ses intérêts. Huguet opina du chef et sortit instantanément du rang. Il prit le sac de viande et assembla autour de lui ceux qui étaient encore assez solides pour tenir une journée de bûcheronnage. Les hommes restèrent groupés et attendirent que Rollin ait donné tous ses ordres.*

Nicolà, va dès à présent à la grange pour quérir du blé, il va nous falloir de grandes quantités de pain.

*Le paysan quitta le meunier du regard et promena ses yeux sombres sur l’assemblée.*

Les dames sont invitées à donner un coup de main pour le pétrissage et la cuisson.

*Le Liégeois pointa une paysanne du menton. Une maîtresse-femme qui, campée fièrement sur ses jambes, semblait ancrée dans le sol.*

Vous serez responsable du four banal. Lancez les feux pour que la première cuisson soit faite au plus tôt.

*Rollin fit quelques pas vers Sara, la jeune mère éplorée qui serrait toujours Pierre et Flore contre sa poitrine ravagée.*

Sara, vous mènerez les blessés et les malades au dispensaire. Nous l’avons installé auprès de la maison de la Régente. Vous mènerez également les malheureux enfançons qui sont ici jusqu’à la Régente… elle trouvera de quoi leur fournir gîte, couvert et réconfort.

*La jeune paysanne ne savait que penser et semblait désemparée, mais Rollin savait que mieux valait occuper son esprit avec quelque responsabilité que de la laisser cogiter seule et ressasser son malheur. Pendant tout le temps où il s’était adressée à elle, le jeune homme n’avait cessé de sourire… un sourire plein de compassion et de douceur.*

Vous ferez ça très bien, je le sais…

*Rollin revint ensuite aux chefs de feux et sa voix était sans appel.*

Les chefs de feux se rendront auprès de la grange pour quérir des vivres de bouche pour leur Mesnie. Les voisins et amis veilleront à ne pas oublier ceux qui sont partis au bois. Menez-y également les bêtes qu’il vous reste, cela nous permettra d’en assurer la garde.

*Le Liégeois posa son regard sombre sur le visage de chacun des citains assemblés devant lui, puis il se tourna vers les gardes :*

Bernard, Herbert, vous escorterez et assisterez Sara dans sa mission et vous resterez ensuite auprès d'elle jusqu'à la nuit.*La voix de Rollin claqua comme le tonnerre :* Gens de Courmayeur, le malheur vous a frappé et frappera encore, mais le Très-Haut sera toujours à vos côtés ! Allez, maintenant et faites diligence, que Nostre Dame vous ait en sa bonne garde !

*Les paroles simples de Rollin semblèrent trouver écho dans le cœur des gens de Courmayeur. Tous réagirent, se groupèrent et partirent vers la destination qui leur avait été assignée… Chacun savait ce qu’il avait à faire et un esprit occupé ne pense pas à la faim… du moins pas tout de suite… Rollin était satisfait et il échangea un regard avec Hadwin et sourit en voyant le peu d’entrain que le jeune homme manifestait de remonter en croupe. Le paysan traversa donc la place, en direction du magnifique destrier pommelé qui était à l’attache devant l’hostellerie. Un adolescent, qui devait avoir seize ou dix-sept ans tout au plus, lui flattait l’encolure. Le garçon était vêtu comme un prince de sang et ses cheveux roux contrastaient harmonieusement sur les teintes sombres de son habit. Diplomate, Rollin s’avança :*

Bien l’bonjour, Messire… Je vois qu'vous avez-là un chargeur de tout premier ordre… Souffririez-vous qu’un homme mandé par la Régente de ces terres vous l'baille pour quelques heures ? Il nous manque une monture et mon compagnon de chevauchée n’apprécie que peu la monte en croupe…

*L’adolescent fit la moue et Rollin ne savait pas dire s’il y devait lire le dédain ou le dégoût. Dans l’espoir d’une réponse favorable et rapide, il hocha respectueusement du chef.*


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Chimère

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeDim 1 Nov - 13:44

Le jeune noble avait assisté à toute la scène et le dégoût que lui inspirait celui qu'il nommait le déchu se muait lentement en répulsion... Il sentit ses cheveux se hérisser dans sa nuque en voyant le jeune homme aux cheveux noirs avancer vers lui...

Il osait lui adresser une requête!.. La bouche du garçon roux se déforma en un rictus carnassier où se mêlaient moquerie, dédain et suffisance. Il écouta la demande de Rollin jusqu'au dernier mot, détaillant chaque parcelle de sa mise simple et presque fruste et, sans lui rendre de salut, il répondit sèchement de sa voix haut-perchée :

La Régente de ces terres ne doit pas avoir beaucoup de sens commun pour élire parmi ses gens un vilain comme représentant... Mais peut-être sont-ce là les manières des personnes de qualité de cet endroit que de s'accoutrer comme des fermiers...

Le jeune garçon eut un sourire satisfait lorsqu'il vit le visage de Rollin blêmir et se fermer.

Penses-tu, vilain, que je vais laisser un quelconque paysan monter une bête qui m'a coûté plus que le prix que l'on tirerait de ces terres miteuses?..

Le damoiseau jubilait... et son ton sarcastique devint presque grinçant :

Mais je serai bon prince... Je baillerai ce destrier à celui qui pourra faire valoir garantie de prix et de sang...

Le regard étrange du garçon brillait d'un éclat de joie malveillante et son sourire devint réellement outrageant :

Es-tu noble, vilain? As-tu assez de besants pour honorer le gage?
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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 16 Nov - 18:15

*Rollin sentit le sang et la chaleur de son visage refluer à mesure que le jeune garçon lui crachait ses mots acerbes en pleine face. Incrédule et blêmissant, il gardait les yeux rivés sur ceux de l'adolescent… Le garçon soutenait son regard sans même battre des paupières…*
*Le Liégeois serra les poings pour tenter de maîtriser la vague de colère qui l'envahissait peu à peu, mais il savait que sur ce terrain-là il ne pourrait pas tenir longtemps… Par quelle sorcellerie avait-il trouvé si facilement le défaut de la cuirasse derrière laquelle Rollin protégeait ses valeurs profondes? De quel arcane sombre et ignoble ce jeune nobliau avait-il usé pour mettre à mal l'esprit solide et l'âme forte du paysan?.. Comment ce gosse pouvait-il savoir?.. Comment?..*

*Rollin fit jouer les muscles de ses mâchoires nerveusement, à tel point qu'il sentit ses dents lui faire mal. Les articulations de ses doigts blanchirent sous l'effort et il sentit son cœur s'emballer... Il aurait voulu hurler sur ce gamin impertinent, lui botter l'arrière-train à toute volée, lui filer la peignée de sa vie, lui fracasser le crâne d'un seul coup de poing... et lui faire jaillir la cervelle hors de la tête, dans un giclement obscène de méninges sanguinolentes... Oh, oui, il aurait voulu extraite la sanie immonde et putride, presser le venin perfide et mortel, faire regretter à cet impudent ses paroles sournoises et le vider de son fiel comme on tire le jus d'un fruit... Il aurait voulu...*

*Rollin, vibrant de colère, tenta de se dominer. Il inspira profondément, les narines pincées, et adressa au garçon un regard assassin. Lentement, au prix d'un effort dont il ne se croyait plus capable, il desserra les dents. Un sifflement rauque, presque inaudible, passa ses lèvres entrouvertes, comme le bruit lancinant d'une pierre de mangonneau ou le bruissement imperceptible d'un boulet de fer lancé à toute volée contre la masse compacte d'une armée. Puis, comme le tonnerre qui éclate et roule dans le lointain, sa voix profonde claqua dans l'air, rude comme le vent venu des terres du nord: *

Jeune homme, je mettrai sur le compte de la fatigue des chemins l'âpreté de vos propos et la rudesse de votre langage… Mais il ne vous appartient certes pas de méjuger et médire de ces terres et de ceux qui tentent de les relever. Quel esprit fol voudrait user de mots si terribles en pareil moment?

*A mesure que les mots quittaient sa gorge, le paysan affermissait son esprit et retrouvait peu à peu son calme. Pourtant, une lueur glacée et mortelle brillait toujours au fond de ses yeux plus noirs que les ténèbres du néant...*
*Aucune merci... ni grâce, ni pitié... Voilà qu'il raisonnait comme ceux qu'il n'avait eu de cesse de combattre dans son ancienne vie... cette vie où tout était plus simple... Rollin posa la main sur la croupe du destrier qui ne broncha pas.*

Garantie de sang et de prix… est-ce donc-là le roi des chevaux? Il est bien bâti et sans doute dressé pour la guerre, mais ce n'est pour l'heure qu'une monture comme les autres…

*Rollin fixait toujours le jeune noble de son regard dur et impénétrable et sa voix prit des accents amers, teintés de tristesse et d'une profonde mélancolie: *

Ma noblesse ne se trouve certes pas dans un titre familial ou dans les qualités de mon lignage… mes aïeux, quels qu'ils soient, ne m'ont légué qu'un sang rouge… rouge comme le soleil couchant en été… rouge comme votre propre sang, Messire… *, le paysan avait étrangement insisté sur ce mot et il l'avait craché comme une insulte à la face de l'adolescent,* Non, point de quartiers à faire valoir, Damoiseau… Mais toute une vie passée à ennoblir mon cœur et mon âme par mes gestes et mon verbe... Que les hommes l'aient reconnu ou non, peu importe, le Très-Haut tient ses registres à jour et c'est là tout ce qui compte...

*Rollin avait inspiré profondément, et sa large poitrine emplie d'air donnait l'impression qu'il avait encore gagné en taille et en carrure. Une dernière fois, il adressa la parole à jeune garçon qui se tenait devant lui, le menton relevé et l'air bravache: *

Messire, je prends votre réponse pour un non… Plaise à Dieu que la sagesse éclaire votre front... Et s'il arrivait que la Fortune nous fasse rencontrer à nouveau, sachez que le vilain que je suis recevra avec plaisir les excuses que vous lui devez!

*Le paysan salua d'un bref hochement de tête et tourna les talons pour rejoindre les gens de Courmayeur qui attendaient toujours près de la fontaine. A peine avait-il fait deux pas qu'il ressentit une étrange brûlure entre les omoplates. Un frisson glacé glissa le long de son dos et Rollin stoppa net, les traits figés, le cœur battant.*


Dernière édition par Rollin le Mar 8 Déc - 19:22, édité 1 fois
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Chimère

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMar 17 Nov - 11:14

Le jeune noble avait pris la réponse de Rollin en pleine face, brute et entière, rude et sans appel... Ainsi, celui qui se disait maintenant paysan avait réussi à déjouer son piège... Il avait répondu sans parjure ni mensonge... Aucun quartier à faire valoir… rien n'était plus vrai, même si la réponse n'était pas tout à fait complète. Le Déchu avait omis sciemment certains détails pour éviter de répondre franchement, mais il n'avait dit que la vérité...

L'adolescent tenta un sourire sarcastique, mais ce n'était là que pure convenance et façade: il avait bel et bien perdu ce premier échange, cette première passe d'arme. Pire, il avait ramassé un véritable camouflet d'un ennemi qu'il avait eu tort de sous-estimer... voilà qu'il agissait comme celui qui l'avait mandé ici... bêtise et précipitation.

Une sensation étrange faisait pourtant bouillir ses entrailles et il avait énormément de mal à garder sa contenance. Alors que le Déchu lui tournait le dos pour rejoindre la populace médusée, sa dextre remonta vers sa ceinture. Lentement, presque inconsciemment, ses doigts se refermèrent sur la fusée de bois noirci de sa dague à rouelle. Le poing serré sur l'arme, il dégagea silencieusement la lame du fourreau étroit où elle reposait, ligne par ligne, pouce par pouce... Tout serait tellement plus simple s'il pouvait user de la force et oublier, rien qu'une fois, que ses meilleures armes étaient son verbe et sa langue venimeuse.

Le paysan n'avait pas fait plus de deux pas... lorsqu'il pila net. Rien qu'à voir la position de son corps, le jeune garçon devinait la tension qui animait le Déchu. Lentement, la lame s'extirpait du fourreau comme si elle sortait d'un tombeau... l'acier dur et brillant étincelait de mille feux…

Un seul coup, rien qu'un seul, et cet homme s'effondrerait…


Dernière édition par Chimère le Ven 26 Fév - 16:34, édité 1 fois
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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMar 8 Déc - 19:23

*Rollin eut l'impression que la foudre le frappait en pleine poitrine, ou qu'il endurait la morsure cuisante et douloureuse d'un fouet monstrueux… Le souffle court, il sentait son corps réagir au danger. Depuis son plus jeune âge le paysan avait cette capacité à ressentir les menaces et les dangers, une sorte de sixième sens, en somme, qui l'avait tiré plus d'une fois d'affaire ou permis d'éviter de situations fâcheuses.*

*Après huit années passées à dominer ses sentiments et faire taire son instinct, il avait renoué avec les souvenirs lointains, et pourtant tellement clairs, de son ancienne vie… Au cœur du verger de Chambéry il avait ressenti l'appel urgent et la détresse de Colinet… Il s'était élancé, comme une véritable furie… Il avait retrouvé la force de se battre et la puissance merveilleuse des cris de guerre d'antan… *

*Et maintenant… Maintenant qu'il était venu à Courmayeur avec Yzalba et les enfants, il y avait eu ce garçon et son destrier… Ce nobliau suffisant qui avait jeté l'opprobre et l'infamie sur sa personne et qui avait insulté sa bienaimée... Rollin sentait distinctement le regard de l'adolescent posé sur lui; il aurait même pu dire où exactement il entendait frapper. Le Liégeois avait un don pour ça… Aussi ferma-t-il les yeux et vida-t-il son esprit de tout ce qui pouvait le ralentir ou le faire hésiter. Sa voix profonde ne reflétait plus la colère, non… rien que la paix et une force majestueuse… tranquille, mais inébranlable: *

Ce n'est ni le lieu, ni le moment pour cela, Messire!

*Avec une lenteur calculée, le paysan tourna la tête et d'un regard meurtrier fustigea l'adolescent par dessus son épaule.*

Ne vous engagez pas dans une lutte que vous ne pouvez gagner... Regardez bien mon visage et voyez ce que vous disent mes yeux: ils ne mentent jamais, Damoiseau!

*Les prunelles sombres de Rollin fixaient les yeux couleur d'émeraude du jeune garçon... les deux hommes que tout opposait semblaient engagés dans une lutte sans merci... opposant leur volonté à l'autre dans un formidable exercice d'intimidation.*
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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeMer 9 Déc - 11:13

Le temps était comme suspendu… Le Déchu lui tenait tête, dans une démonstration de courage imbécile, pourtant ses mots faisaient échos dans l'esprit de l'adolescent. Il avait de la peine à l'admettre, mais quelque part il savait que celui qui se disait paysan et faisait front en véritable homme d'honneur, fidèle en cela aux préceptes qui avaient guidés sa vie au long des années de joie, de peine et d'errance, était une vérité... Le garçon à la chevelure flamboyante vibrait littéralement de colère, imprimant un étrange tremblement à la lame claire de sa longue dague. Le Déchu avait raison!..

Lentement, sans quitter le Liégeois du regard, le jeune noble amena l'estoc de son arme à la bouche du fourreau et rengaina à regret. Il venait de prendre une leçon, la première depuis longtemps, lui qui pensait tout savoir et connaître... et c'était cet homme, celui que son maître avait œuvré à détruire, qui la lui avait donnée.

L'esprit en guerre, le garçon pesait le pour et le contre, il assemblait ses idées, échafaudait des plans à une vitesse vertigineuse.

Soit, Vilain… Il n'y aura pas de sang versé pour le prix de ton insolence, mais je ne te tiens pas quitte pour autant. Nous règlerons ce différend en d'autres temps. Fais ce que tu peux pour ces terres, mais ne me demande rien...

L'âme emplie de fureur, le damoiseau tourna les talons et rentra dans l'hostellerie d'un pas décidé, faisant claquer la lourde porte derrière lui.
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Michel

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeLun 14 Déc - 17:14

Appuyé contre la lourde porte de Saint-Pantaléon, la petite église du bourg de Courmayeur, le vieux clerc n'avait rien manqué de l'échange houleux sur la place en contrebas... duel quasi silencieux sans heurts ni coups, sans plaies ni sang... juste des bleus à l'âme pour l'homme aux cheveux noirs, et une atteinte à l'orgueil de l'adolescent aux cheveux roux...

Le vieillard crasseux et peu ragoûtant renifla nerveusement, tordant sa bouche presque édentée dans un simulacre de sourire teinté de cynisme... Chimère s'était fait remettre à sa place par le Déchu... étrange ironie des temps...

S'adressant à lui-même dans une manie de vieil homme sénile, un souffle rauque et putride jaillit de la bouche du clerc:

"Je ne fais pas le bien que je veux, tandis que je fais le mal que je ne veux pas"… Décidément, les mots de Paul son plus actuels que jamais...

Le vieillard sourit de plus belle, dévoilant une rangée de chicots ravagés. Dans le murmure inaudible de sa voix chevrotante, il poussa l'huis de bois et de fer du lieu saint et entra dans l'église de son pas claudiquant. Il n'aimait pas ce genre d'endroit, non pas qu'il fut exclu de la maison du Seigneur, loin de là, non... ce qu'il détestait surtout c'était la lente gangrène qui transformait insidieusement les sanctuaires aristotéliciens en lieu de vanité:

"(…) De même que la faute commise par un seul a conduit tous les hommes a la condamnation, de même l'accomplissement de la justice par un seul a conduit tous les hommes à la justification (...)"
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Rollin

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MessageSujet: Re: ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés...   ...Je ne crains aucun mal car tu es à mes côtés... Icon_minitimeVen 26 Fév - 16:10

*Rollin avait tenu le jeune homme en respect jusqu'au moment où celui-ci était rentré, furieux, en son hostellerie. Des gens assemblés sur la petite place de Saint-Pantaléon, nul n'osait ne fut-ce que parler... Sans doute le fait que Rollin, tellement semblable à eux par sa mise et son franc-parler, tienne tête à un noble était quelque chose qu'ils ne pouvaient appréhender… Et, quelque part, Rollin s'en voulait de saper ainsi l'autorité naturelle et le respect qu'imposent le rang et le sang... lui qui était tellement attaché aux usages anciens... L'homme aux yeux noirs passa la main dans la masse désordonnée de ses cheveux puis, poussant un soupir contrarié, il tourna le dos au nobliau, à son auberge et à son maudit canasson.*

*Désormais convaincu que Courmayeur ne devrait son avenir sauf que de son propre fait et des quelques gens de biens qui s'étaient portés volontairement à son secours, Rollin laissa de côté les doutes et les tergiversations. En quelques enjambées il fut de nouveau près des chefs de feux et sans hésitation les mots fusèrent, comme des ordres de bataille pour cette armée de gueux, ost dépenaillé mais qu'il savait vaillant et volontaire.*

*Le Liégeois pressa Huguet de s'en aller prestement pour la coupe avec ses gens; il encouragea Nicolà à se vite départir vers la grange d'Anisset pour prêter main forte et œuvrer au moulin; il dépêcha Sara et sa cohorte de blessés, de malades et d'orphelins près du dispensaire installé par la Signora Iasvana et pria les deux gardes de Bielle de leur faire escorte jusque-là; puis il adressa quelques mots aux chefs de feux pour qu'ils aillent bien vite quérir pitance pour leur Mesnie. Le temps d'un pater, tout ce petit monde était prêt et sur le pied de guerre. Rollin leur adressa un dernier sourire chaleureux et remonta en selle, aidant Hadwin à reprendre place en croupe. *

Citains et Bourgeois, faites diligence et agissez prestement. Le temps joue contre nous...

*Le palefroi de Rollin fit un écart et leva les antérieurs en hennissant. Seul un réflexe inouï permit à son meneur de retenir par le doublet Hadwin qui, sans cela, serait tombé à bas de la monture. Le Liégeois adressa un sourire au jeune Franc-Comtois puis, levant un poing vers ciel, il lança un cri de sa voix puissante, faisant trembler le sol et vibrer l'air alentour:"

COURMAYEUR!

*Rollin lança son palefroi au galop au travers de la place et des ruelles dans un bruit infernal de sabots ferrés martelant le sol... Tel les soldats du temple partageant fraternellement leur monture, les deux cavaliers s'en furent vers la haute vallée pour enfin achever leur mission.*

La suite de la chevauchée (post du 26/02/10): Et lorsque je marche dans la Vallée de l'ombre de la Mort...

L'étrange destinée de Sara (post du 02/03/10): Le dispensaire.

La venue de Nicolà auprès des convois (post du ):
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