Un voyageur...

Perché sur son immense destrier pommelé, un adolescent à la silhouette quelque peu chétive approchait des grilles de Courmayeur au rythme chaloupé et nonchalant du pas de sa monture.

Hôôôôô...

Sa voix flûtée et haut-perchée résonnait étrangement dans cette contrée où toute vie semblait absente.

Holà, des grilles... Il y a quelqu'un? Un voyageur attardé sur la route d'Aoste voudrait jouir d'une bonne tablée pour son dîner et accorder du repos à son cheval...

L'adolescent avait rejeté en arrière le chaperon vert émeraude qui protégeait son chef... dévoilant une cascade de boucles rousses taillées à la dernière mode, qui encadraient un visage aux traits fins et à la peau pâle, constellée de taches de son. Le garçon devait avoir seize ou dix-sept ans... guère plus, en tout cas... et, bien que maculée de boue et de poussière, sa mise soignée et élégante disait toute la noblesse du lignage dont il était issu. Un mantel de fine laine noire, des chausses d'un vert sombre étroitement ajustées et enchâssées dans des heuses de grand prix... et au côté, en guise d'avertissement à ceux qui douteraient de sa valeur, une dague à rouelle délicatement ouvragée.

Messages : 13 Date d'inscription : 04/09/2009

Un garde visiblement empressé jaillit de la petite maison qui jouxtait les grilles. Il rattachait avec plus ou moins de bonheur ses braies et son baudrier.

Mille pardons, Messire… Je… Euh…

Voyant la mise de l’adolescent qui le toisait du haut de son cheval de guerre, le garde d’Aoste s’inclina.

Soyez le bienvenu, Messire, mais… Je crains que vous ne trouviez pas grand-chose pour apaiser votre faim chez nous. Vous pouvez aller voir à l’hostellerie sur la place, il y aura peut-être encore pitance à boire ou à manger. La bonne journée, Messire… euh, Messire ?

Le garde avait appuyé sa question pour forcer le voyageur à se présenter. Après tout c’était une des missions qui lui incombaient que de collecter les noms des étrangers qui franchissaient les grilles.

L’adolescent du haut de son destrier dévisageait le garde dépenaillé avec un air hautain et suffisant. Et le masque tellement beau et angélique de son visage sembla se déformer l’espace d’un battement de cils… donnant à ses traits un aspect dur et presque mesquin. Le jeune noble avait entendu la question mais n’avait pas bronché et, d’un coup de talon ajusté, il avait fait avancer sa monture.

Une fois passé les grilles, il tourna la tête vers le garde médusé… et son visage avait retrouvé toute sa grâce :

Je suis Bartholomé…

Sans un regard pour le soldat d’Aoste en faction, l’adolescent aux cheveux de feu continua sa route en direction de la place principale.